Incursion dans une résidence privée pour aînés, en temps de pandémie
En mai dernier, j’ai reçu un appel de ma mère qui s’inquiétait pour ma grand-mère : après 2 mois de confinement dû à la COVID, au moment où la ville où elle habite se déconfinait, au moment où elle attendait son tour pour reprendre sa petite vie de joyeuse retraitée, le méchant Covid est entré subtilement dans sa résidence. Mesures de sécurité obligent, ma grand-mère était à nouveau confinée à sa chambre, comme une centaine de ses voisins.
En apprenant la nouvelle, j’ai attrapé mes réflecteurs maisons (des affiches électorales que j’ai prises après les dernières élections), j’ai écrit avec du gros ruban de photographe un message d’amour dessus, je suis allé m’installer sous sa fenêtre et je l’ai appelé. On a passé un bon moment ensemble, on a rit. Ma mère qui habite en face nous a rejoint, et on a dansé et chanté pour ma grand-mère (et tous les autres voisins qui nous voyaient et souriaient aussi). Durant ma visite sous sa fenêtre, j’ai croisé aussi la responsable des loisirs de sa résidence. Une belle humain, dévouée et passionnée. Évidement qu’en revenant chez-moi, une idée germait…
Alors j’ai fait des démarches et j’ai proposé un projet personnel. Je voulais un reportage photo rempli d’espoir, d’amour et de vérité pour qu’on puisse se souvenir. Je voulais entrer en résidence pour aînés, je voulais montrer la réalité, de l’intérieur. Une réalité. C’était fou comme idée, voir qu’on accepterait de me laisser entrer, mon appareil et moi, dans un de ses lieux qu’on a si longtemps oublié et maintenant trop souvent aux nouvelles. J’en avais oublié l’article paru dans Le Devoir le 6 mai dernier qui relatait le manque d’images québécoises car les journalistes et photographes n’étaient pas admis dans les points chauds (et ça se comprends mais certains sont formés à cet effet, ils savent agir en situation à risque mais c’est un autre débat!).
En arrivant, on m’a expliqué les consignes de sécurité à respecter. Le temps de déposer mon sac et préparer mon appareil, nous étions parties! À peine arrivées sur notre premier étage, on croise une dame qui va vers le balcon. La responsable des loisirs lui rappelle la consigne : on ne sort pas de sa chambre sans le masque. Elle lui montre où les trouver, plusieurs stations dans le couloirs sont disponibles, comment mettre le masque, de façon sécuritaire. Elle m’expliquera plus tard qu’elle doit répéter cette tâche à tous les instants, comme l’ensemble de ses collègues.
Normalement, les loisirs sont organisés dans des espaces prévus à cette fin, les soirée cinémas, les soirées bingos : toutes les activités se font dans une pièce commune. Dans le contexte actuel, nos aînés ont surtout la télévision pour les divertir alors, elle a modifié son travail elle se rends aux usagers. Dans son charriot plein à rebords, elle a des livres à colorier faits maison, des cahiers de mots-croisés et de sudoku, le journal de l’établissement. Elle cogne aux portes, un sourire derrière le masque.
Elle prend des nouvelles, raconte des blagues, respecte la sieste de certains, ouvre la porte chez d’autres car la télévision hurle. Une dame sursaute en la voyant dans sa chambre : son appareil auditif était fermé mais elle ne l’avait pas réalisé et malgré qu’on criait son nom, elle ne bougeait pas. En plus de distribuer du divertissement, on distribue des sourires. Plusieurs demandent encore pourquoi le masque. On a beau être au 71e jour de la pandémie, ça reste nouveau pour la plupart de ceux qui de toute leurs longues vies n’ont jamais eu à faire face à cette pandémie.
L’heure du diner arrive rapidement et dans la grande salle à manger qui grouille normalement de résidents, des travailleuses et travailleurs s’affairent, bien masqués et protégés à préparer le repas des résidents. En plus de la préparation des repas, ils doivent maintenant livrer aux chambres, s’assurer de respecter les restrictions alimentaires de chacun tout en s’assurant d’apporter les festins le plus rapidement possible pour que le tout puisse se savourer encore bien chaud. Tout est synchronisé, ça se taquine et ça blague et le travail se fait promptement.
Enfin, pour ma grand-maman et tous les autres aînés qui habitent la Résidence Du Verger, pour moi qui a eu la chance inouïe de passer une journée avec eux, merci du fonds du coeur à ceux et celles qui beau temps, mauvais temps apportent leurs sourires au travail et aiment les résidents comme leur propre famille. Merci de travailler si fort, merci d’être de si beaux humains, merci d’avoir si bien veillés à protéger vos résidents. Un giga merci et un grand salut !
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Lise Touchette
Hugo Morissette
Sébastien Touchette